Photo de famille, sans date précise, vers 1937-38?. Rachel Hubault est à droite. Roger Rumilly, son fils, 11-12 ans ou env., le troisième depuis la droite. Collection privée, avec permission d'Emilie Rumilly.
39 Bd Thiers, devenu Bd des Fédérés (si les numéros n'ont pas changé), l'adresse officielle de Rachel Rumilly et de Léon Hubault et le lieu de son arrestation, selon sa famille. Source: Google maps et Emilie Rumilly.
ROGER RUMILLY avait dix-huit ans lorsque sa mère a été arrêtée.
Son récit, communiqué à ses enfants et petits enfants vers la fin de sa vie, est le suivant:
« Il était 6 heures du matin. Quand les gens qui venaient arrêter ma mère ont sonné, j'ai pensé que c'était pour me mettre une amende à cause de la lumière que j'avais laissé allumée dans le couloir. Ils étaient une dizaine, dont un type de l'agence anti-aérienne (je ne sais pas ce qu'il faisait là !) et un SS. Le SS m'a donné deux baffes et m'a mis debout contre le buffet, les mains en l'air. A côté de moi, sur le meuble, ils ont posé la liste des personnes qui devaient être arrêtées ce matin là, ma mère était la première de la liste. J'ai reconnu deux noms de personnes qui habitaient à côté de chez ma mère. Pendant ce temps-là, ils ont ordonné à ma mère de s'habiller. Elle a juste eu le temps d'enfiler un imperméable sur sa chemise de nuit et puis ils l'ont jetée dans le camion.
Je suis alors sorti de ma maison précipitamment, j'ai couru dans l'obscurité pour prévenir les deux familles de la liste dont j'avais mémorisé les noms. En chemin je me suis cogné dans une flèche en béton, une de celles qui indiquait les abris pour les bombardements. Je me suis mis à saigner. Le premier chez qui je me suis arrêté lui a dit que les Allemands l'avaient arrêté et l'avaient déjà relâché une fois et qu'il ne partirait pas de chez lui. Il s'agissait de M. Louria, lui et sa fille enceinte ont été arrêtés et déportés dans le même train que ma mère. Le second, M. Haïta, a claqué la porte d'entrée dès que je l'ai informé et il est parti sans prendre aucune affaire. Sa femme d'ailleurs a été arrêtée et s'est évadée par la suite. » *
Note de DR. Léon Louria, Président de l’Association Cultuelle Israélite de la Somme, fut arrêté le 17 juin 1942 par des militaires allemands et condamné par un tribunal militaire à deux ans d’internment au Camp de Doullens, pour ne pas avoir porté l’étoile jaune “de façon reglementaire.” Il fut relâché en 1943 après plus d’une année d’internement. Le bébé que portait Renée Ponthieu Louria naquit à Auschwitz et fut assassiné ensuite par un médecin du camp. Renée survécut. Par contre, son père, Léon Louria, mourut à Auschwitz. La quasi-totalité des gens raflés le 4 janvier à Amiens et les jours suivants, y compris les Louria, furent déportés par le convoi no. 66 du 20 janvier 1944 de Drancy à Auschwitz. Rachel Hubault, par contre, fut déportée par le convoi no. 67 du 3 février et fut assassinée le 8 février. (voir http://www.jewsofthesomme.com/1944-rafle-january-49 )
La famille Haïta, Juifs de Turquie, est connue à Amiens depuis les années 1920 ou du début des années 1930. Elle se rendit à Paris en 1941, 75 Bd Voltaire. Le père Nissim Haïta fut arrêté à Paris et mourut de maladie à Drancy. Son fils, Isaac, né en 1924, était encore en vie en 1944. Il mourut à Amiens le 4 juin 1945 et fut enterré à Paris le 8, juin 1945 selon un site généalogique (Filea), mais je n’ai aucune preuve qu’il se trouvait à Amiens au moment de la rafle. Le souvenir de Roger Rumilly est très précis mais je n’ai pas plus de détails sur l’identité de l’homme qu’il a aidé à échapper à la rafle, ni sur celle de son épouse.